Une information a récemment agité le monde viticole : Pour l’émission « On est pas des pigeons » de la RTBF, Eric Boschman, sommelier et expert en vin en Belgique, a tendu un piège lors d’un grand concours de vin français. Il a choisi une bouteille de vin médiocre, vendue à 2,5€ (qu’il qualifie lui-même de « piquette »), a changé l’étiquette et le nom, puis a soumis la bouteille au concours international Gilbert et Gaillard. Quelques semaines plus tard, le verdict est tombé : la bouteille a remporté la médaille d’or, accompagnée du commentaire du jury : « Bouche suave, nerveuse et riche aux jeunes effluves nets qui promettent une jolie complexité. Fort intéressant. »
Alors, peut-on réellement se fier à tous les concours de vin ?
Un (trop ?) grand nombre de concours de vins :
Le problème réside dans le fait qu’il existe des centaines de concours de vin. Mais comment fonctionnent-ils réellement ? Faisons une enquête sur les dessous de ce système, qui peut se révéler lucratif pour les organisateurs des concours, ainsi que pour les producteurs et distributeurs de vins.
Obtenir une médaille : un coût et un impact considérables sur les ventes (et les prix) :
Pour espérer décrocher une médaille, il faut inscrire son vin et débourser entre 40 et 200€ par échantillon. S’ajoutent à cela les frais des macarons médailles et d’autres taxes ou commissions sur les ventes des bouteilles médaillées. Les producteurs sont généralement prêts à assumer ces dépenses, car l’obtention d’une médaille leur permet d’augmenter le prix de vente de la bouteille médaillée d’environ 30%. Cette petite étiquette dorée constitue un argument marketing de poids !
Absence de régulation dans les concours de vin :
Le plus étonnant est que ces concours ne sont pas régulés, à l’exception d’une seule règle établie en France par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, que tous doivent respecter : il n’est pas possible de décerner des médailles à plus de 33% des vins présentés lors d’un concours (ce qui laisse tout de même une chance sur trois pour que son vin soit médaillé). Pour le reste, il n’y a pas de règle ! Dans le cas du vin à 2,5€ avec un faux nom et une fausse étiquette, cela signifie qu’il n’y a eu aucun contrôle sur l’origine du produit. Pour le concours Gilbert et Gaillard, il a simplement fallu fournir une analyse en laboratoire du taux d’alcool et de sucre (mais il aurait été tout à fait possible de falsifier ces données). La composition des jurys n’est pas non plus régulée, et certains concours font preuve d’un manque de rigueur évident. Il y a souvent un mélange d’amateurs et de professionnels, et les avis sont généralement exprimés à voix haute, ce qui peut influencer des dégustateurs peu rigoureux ou peu sûrs d’eux. Bien entendu, certains concours sont beaucoup plus rigoureux et disposent d’un jury de qualité.
Les médailles d’un vin: un système où tout le monde y trouve son compte.. ou presque
En général, tout le monde y trouve son compte : les organisateurs de concours encaissent les frais d’inscription, les taxes et les commissions, les distributeurs augmentent leurs prix de vente et le volume de leurs ventes, et la réputation des producteurs est revalorisée. Mais qu’en est-il du consommateur ? Paye-t-on réellement les bouteilles de vins 30% plus cher que leur valeur de base simplement parce qu’ils ont reçu une médaille ? Eh bien, oui.
Alors comment faire pour acheter une bouteille sans se fier aux étiquettes et médailles d’or ?
Ce que je vous conseille, au-delà de ce petit macaron brillant, c’est de vous fier à l’avis d’un professionnel, comme votre caviste de quartier. Ils sont généralement de bons conseils et sauront vous orienter. D’ailleurs, avez-vous remarqué que chez un caviste, il y a peu de bouteilles ornées de médailles ? Un autre conseil : faites confiance à votre palais et à votre goût. Si vous buvez un vin médaillé d’or et qu’il ne vous satisfait pas, n’ayez pas honte de le dire ! Quand mes amis me disent : « Je ne sais pas reconnaître un bon vin », je leur réponds souvent : « Le bon vin, c’est celui que vous aimez et appréciez boire. Et si vous n’arrivez pas à savoir ce que vous aimez, vous saurez reconnaître un vin que vous n’appréciez pas ».
Et vous, avez-vous l’habitude de vous fier aux médailles des concours de vin ? Avez-vous déjà eu une mauvaise expérience après avoir dégusté un vin médaillé ?
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